4 décembre 2025

À Tours, une marche aux flambeaux des néofascistes secouée par des chants nazis et des débordements violents

À Tours, une marche aux flambeaux a rassemblé environ 150 néofascistes au cœur du centre historique, samedi 8 novembre 2025, sur le trajet reliant la cathédrale Saint-Gatien à la basilique Saint-Martin. Le cortège a entonné des chants nazis, déclenchant des débordements violents et une vive émotion parmi les habitants. Une contre-manifestation d’environ 500 personnes et un dispositif de sécurité renforcé ont rythmé cette soirée tendue, marquée par des tensions sociales et des questions d’ordre public.

Le groupuscule local Des Tours et des Lys a revendiqué la tenue de l’événement, présenté comme un hommage à Saint Martin, figure majeure du patrimoine tourangeau. Entre slogans identitaires, violence verbale et provocations visuelles, la soirée a cristallisé les inquiétudes sur l’enracinement de l’extrême droite radicale dans la ville.

Tours face aux chants nazis et aux débordements: les faits établis

La marche aux flambeaux s’est élancée peu après 20 h depuis le parvis de la cathédrale Saint-Gatien. Les organisateurs, dont Alexandre Boumediene dit « Boumi » et Lucas Maupin, ont multiplié les consignes de « bonne tenue » tout en encadrant étroitement la tête de cortège. Des militantes ont été sollicitées pour porter une banderole en première ligne, au nom d’une stratégie de respectabilité.

Derrière cette façade, les symboles étaient explicites. Drapeaux de Touraine, iconographie inspirée de la République romaine et un message récurrent : « Défendons notre héritage — hommage à Saint-Martin ». Des participants, venus de toute la France, ont rejoint les locaux pour cette troisième édition du défilé nocturne.

En marge, des antifascistes ont perturbé la progression avec des feux d’artifice tirés depuis les ruelles du Vieux-Tours. Des insultes ont fusé depuis l’arrière du cortège, tandis que la police préservait une zone-tampon avec la contre-manifestation nourrie et bruyante.

À l’approche de la basilique, le cortège a entonné le « Chant de fidélité », connu pour avoir été repris par la Waffen-SS. La séquence a scandalisé de nombreux passants et renforcé le sentiment d’une manifestation à haut potentiel de tensions sociales à Tours.

Une dispersion rapide a suivi, les organisateurs appelant à se retrouver pour un concert discret du groupe Fiume Tue, réputé pour ses références anticommunistes. Plusieurs témoins décrivent une fin de soirée sous pression, avec quelques bousculades isolées autour des artères de sortie.

Repères chronologiques d’une soirée sous tension

  • 19 h 30 : rassemblement et distribution de flambeaux sur le parvis.
  • 20 h 05 : départ du cortège et premiers dispositifs anti-intrusion.
  • 20 h 40 : tirs de feux d’artifice par les antifascistes dans le Vieux-Tours.
  • 21 h 00 : entonnement des chants nazis à proximité de la zone-tampon.
  • 21 h 10 : dispersion accélérée et rendez-vous pour un concert clandestin.
Heure Lieu Événement clé Impact sur l’ordre public
19 h 30 Cathédrale Saint-Gatien Rassemblement et consignes internes Surveillance renforcée
20 h 05 Ruelles du Vieux-Tours Départ de la marche aux flambeaux Encadrement policier visible
20 h 40 Arrière du cortège Pyrotechnie depuis les opposants Montée des tensions sociales
21 h 00 Vers la basilique Chants nazis (« Chant de fidélité ») Indignation et débordements violents limités
21 h 10 Centre-ville Dispersion rapide du cortège Désengagement contrôlé

Les faits marquants, ordonnés et recoupés, confirment une soirée où les questions d’ordre public se sont superposées à un affrontement symbolique sur l’identité tourangelle.

Au-delà des images marquantes, l’identité des protagonistes et la stratégie affichée éclairent d’un jour nouveau la dynamique observée à Tours.

Organisateurs, profils et réseaux: qui a défilé à Tours

Le groupuscule Des Tours et des Lys a piloté la soirée, avec à sa tête Alexandre Boumediene et Lucas Maupin, mégaphone à la main. Les consignes répétées, comme « pas de coups », visent à éviter l’image de violence tout en verrouillant la mise en scène. Des militantes ont été placées en avant, stratégie déjà observée dans d’autres cortèges d’extrême droite.

Le cortège a réuni une mosaïque de néofascistes venus de plusieurs régions. Des militants des Natifs, dont Grégoire Clausier, Stanislas Tyl et Martin Escard — qui ont fait appel dans l’affaire de la banderole anti-Aya Nakamura et restent présumés innocents — ont été aperçus. Des membres de Luminis, d’An Tour-Tan, de l’Oriflamme et de la Ligue Ligérienne ont également défilé.

On a aussi reconnu Eliot Bertin, figure de « Lyon populaire », malgré la dissolution de son collectif par le gouvernement. Plus loin, l’Orléanais Gaëtan Pichonnat, connu pour un tatouage polémique, marchait torche à la main. Ces présences attestent d’un réseau militant qui dépasse la Touraine.

Au niveau local, des liens apparaissent avec le milieu du hooliganisme. Lors du premier match de l’Union Foot de Touraine le 1er novembre en National 3, un drapeau de Touraine a été vu aux côtés d’une bâche à tête de mort de type Totenkopf. Le nom de Thomas Bonnin revient dans plusieurs témoignages, cité comme relais régulier entre tribunes et rue.

Portraits croisés et méthodes d’influence

La stratégie repose sur des signes identitaires locaux, une rhétorique patrimoniale et une discipline de groupe. L’objectif affiché : normaliser la présence de l’extrême droite radicale dans l’espace public, sous couvert d’hommage à Saint Martin. À côté, les références directes aux chants nazis consolident l’entre-soi militant.

  • Mise en scène : banderoles patrimoniales et torches pour légitimer le rituel.
  • Féminisation de tête : présence de femmes à l’avant pour adoucir l’image.
  • Réseaux : venues coordonnées de groupes régionaux et nationaux.
  • Transversalité : ponts avec tribunes de foot et culture musicale radicale.
  • Maîtrise apparente : consignes internes visant à prévenir la violence.
Groupe/Individu Origine Présence à Tours Éléments notables
Des Tours et des Lys Touraine Organisateur Récupération de Saint Martin, marche aux flambeaux
Natifs Île-de-France Cadres visibles Affaire Aya Nakamura, appel en cours
Luminis Paris Militants repérés Esthétique nocturne et rituelle
An Tour-Tan / Oriflamme / Ligue Ligérienne Bretagne / Rennes / Nantes Groupes venus en renfort Coordination inter-villes
Eliot Bertin Lyon Présent Collectif dissous, flambeau à la main

Cette cartographie montre une galaxie organisée, rodée aux codes et à la mise en scène, où la frontière entre patrimonial et politique disparaît derrière la flamme des torches.

À côté du noyau militant, la parole des habitants et des institutions éclaire l’effet de ces rassemblements sur la vie quotidienne et l’image de Tours.

Réactions locales et impact: voix de riverains, Église et commerçants

La récupération de Saint Martin suscite une opposition vive chez de nombreux fidèles. L’an dernier déjà, l’archevêque de Tours dénonçait une réduction identitaire contraire à la dimension universelle du saint, rappelant son héritage de partage. Cette année, des catholiques tourangeaux ont exprimé la même indignation.

Un riverain s’est approché du cortège en déclarant être « un chrétien de Touraine » et vouloir s’opposer pacifiquement à l’appropriation de la figure de Saint Martin. Il a été rapidement écarté par le service interne des organisateurs. La scène, brève, a marqué plusieurs témoins.

Dans les rues adjacentes, des commerçants ont baissé rideau plus tôt. L’un d’eux, installé près de la rue Colbert, résume : « Quand ça flambe, on ferme. On craint la casse et les clients n’osent pas rester. » Aucun dégât majeur n’a été relevé, mais l’ambiance s’est révélée dissuasive pour le commerce du soir.

Du côté des associations, la contre-manifestation a rassemblé plus de 500 personnes. Messages antifascistes, drapeaux syndicaux et appels au calme ont rythmé le cortège. Plusieurs élus locaux ont insisté sur la vigilance nécessaire face à la multiplication de ces rassemblements provocateurs.

Ce que disent les acteurs du territoire

  • Fidèles : refus de l’appropriation de Saint Martin par des néofascistes.
  • Commerçants : crainte de la violence et du manque de clientèle.
  • Associations : appel à des réponses pédagogiques et à une présence citoyenne.
  • Élus : priorité à l’ordre public sans invisibiliser la contestation.
  • Habitants : fatigue face à des tensions sociales récurrentes.
Acteur Position exprimée Exemple de propos Effet local
Église catholique Condamnation de la récupération « Saint Martin n’est pas un étendard identitaire » Renforce l’indignation morale
Commerçants Prudence et fermetures anticipées « On réduit les horaires quand ça s’annonce tendu » Perte de chiffre d’affaires
Associations Mobilisation antifasciste « Pas de place pour les chants nazis en ville » Visibilité de la riposte citoyenne
Préfecture Maintien de l’ordre public Zone-tampon et encadrement Limitation des débordements violents

Dans ce paysage, la ville se retrouve arbitre malgré elle de récits opposés : patrimoine partagé ou identité excluante ? La question dépasse la soirée pour toucher la cohésion locale.

La gestion sécuritaire, très encadrée, a pesé sur le déroulé de la soirée. Elle mérite un examen précis, tant elle conditionne la perception de la violence et de la liberté d’expression.

Sécurité et ordre public: dispositif, incidents et doctrine locale

Le dispositif de sécurité mis en place par la préfecture d’Indre-et-Loire s’articulait autour d’une zone-tampon séparant la marche aux flambeaux de la contre-manifestation. Objectif : éviter le contact direct et canaliser les flux. Le trajet, court et balisé, limitait les points de friction.

Les unités déployées ont privilégié l’orientation et la dissuasion. Les injonctions au calme des organisateurs ont contribué à réduire la casse potentielle, malgré des débordements violents circonscrits à des bousculades et des invectives. L’usage de feux d’artifice a constitué le principal facteur de risque.

Sur le plan juridique, la vigilance s’est portée sur les chants nazis. La consignation d’images et de sons par les services enquêteurs s’inscrit dans la prévention de l’apologie de crimes et de l’incitation à la haine, avec un cadre légal précis. Les suites judiciaires dépendront des constats.

Ce que l’on retient du maintien de l’ordre

  • Encadrement : itinéraire restreint et points d’accès contrôlés.
  • Prévention : consignes aux organisateurs, coordination police-gendarmerie.
  • Risque principal : pyrotechnie et jets pouvant blesser.
  • Documentation : relevés vidéo/son pour suites éventuelles.
  • Équilibre : libertés publiques vs ordre public.
Volet Mesures But Effet observé
Itinéraire Parcours court cathédrale-basilique Limiter les frictions Fluidité relative du cortège
Zone-tampon Cordon entre camps Éviter la mêlée Tensions sociales contenues
Renseignement Comptage et observation Anticiper les risques Présence de figures radicales identifiées
Judiciaire Captation d’éléments Traiter les chants nazis Évaluation en cours

La doctrine locale, prudente, vise la désescalade tout en assumant la visibilité d’une extrême droite de rue. Un équilibre fragile, éprouvé par l’émotion que suscitent les références nazies en plein centre-ville.

Ces choix sécuritaires prennent sens à la lumière d’une trajectoire plus longue, où s’imbriquent récupérations symboliques et résurgences militantes.

Symboles détournés et précédents: Saint Martin, foot et marches nocturnes

À Tours, la figure de Saint Martin est ancrée dans la mémoire locale. Le récit du manteau partagé nourrit un imaginaire d’accueil et de solidarité. La détourner pour un agenda identitaire heurte une partie du monde catholique et laïque, pour qui la sainteté ne saurait rimer avec exclusion.

Ce rituel nocturne s’inscrit dans une histoire récente. Une marche similaire, portée par Vox Populi, existait jusqu’en 2013. La relance par Des Tours et des Lys depuis 2023 réactive les controverses. Ailleurs, des rassemblements comme le « Comité du 9 mai » à Paris ou la « marche des Normands » à Rouen montrent des convergences d’esthétique et de mots d’ordre.

Les symboles visuels jouent un rôle central. Le drapeau de Touraine, l’étendard « Tours populaire », les torches, et jusqu’aux crânes de style Totenkopf aperçus dans des tribunes de foot impriment des images fortes. La frontière entre folklore revendiqué et violence symbolique reste floue.

La soirée s’est aussi prolongée par un concert annoncé du groupe Fiume Tue, aux références anticommunistes marquées, dans un lieu tenu secret « en Touraine ». Un prolongement culturel qui tisse des liens entre rue, musique et réseaux militants.

Lecture des marqueurs identitaires

  • Torches : rituel de cohésion et d’intimidation visuelle.
  • Bannières : ancrage local revendiqué, légitimation par l’histoire.
  • Iconographie guerrière : références romaines et crânes.
  • Chants : héritage polémique, dont des chants nazis.
  • Transferts : tribunes de foot, scènes musicales, rue.
Symbole/Pratique Origine/Connotation Usage à Tours Effet perçu
Marche aux flambeaux Rituels nationalistes européens Central dans le défilé Esthétique d’ordre et de force
Étendards « Tours populaire » Appropriation locale En tête de cortège Confusion entre patriotisme et exclusion
Chant de fidélité Waffen-SS, héritage nazi Entonné en fin de parcours Choc mémoriel et rejet
Crâne type Totenkopf Symbolique extrémiste Vu en tribunes, relayé dans la rue Intimidation, tensions sociales

Cette grammaire symbolique explique l’onde de choc locale. En jouant la proximité patrimoniale, les organisateurs cherchent l’extension du domaine militant. La riposte citoyenne, elle, mise sur l’explication et la présence dans l’espace public.

Reste une interrogation largement partagée à Tours : comment éviter la répétition de ces scènes sans attiser davantage les clivages ? Les précédentes éditions offrent des pistes de réponse.

Ce que change cette édition: tendances, chiffres et pistes d’action

Par rapport aux années précédentes, la marche aux flambeaux de cette année présente des constantes — mise en scène, slogans, réseau militant — et des signaux d’alerte. Le chœur des chants nazis se répète, mais la coordination policière et citoyenne s’affine, limitant l’ampleur des débordements violents.

Le comptage fait état d’environ 150 marcheurs et 500 contre-manifestants, des ordres de grandeur stables. En revanche, la diffusion sur les réseaux sociaux s’accélère, donnant aux images un écho national. La notoriété locale de certaines figures entretient la polarisation.

Sur le fond, la bataille se joue désormais autant sur l’espace symbolique que sur la rue. Les institutions religieuses, les associations et des habitants s’attachent à remettre en lumière la vocation universelle de Saint Martin. Les autorités, elles, insistent sur l’ordre public et la réponse graduée.

Leçons concrètes pour la prochaine fois

  • Anticiper : calendrier clair, information des commerçants, médiation de quartier.
  • Visibiliser : initiatives culturelles autour de Saint Martin, contre-récits positifs.
  • Sécuriser : parcours encore plus court, périmètres de protection ajustés.
  • Documenter : veille sur les chants nazis et symboles à risque.
  • Coordonner : échanges police-associations pour éviter la violence.
Édition Participants Contre-manifestants Incidents relevés Particularités
2023 Environ 120 Environ 300 Slogans et heurts légers Retour de la marche dans la ville
2024 Environ 140 Environ 450 Références nazies pointées publiquement Condamnation par des responsables religieux
2025 ~150 ~500 Feux d’artifice, chants nazis, bousculades Concert annoncé « Fiume Tue »

Pour l’instant, Tours fait bloc autour d’une idée simple : réaffirmer la vocation inclusive du patrimoine et éviter l’escalade. La ville mesure que l’enjeu dépasse la soirée : il touche à la qualité de vie et à la capacité à faire société.

À la croisée des récits, un point s’impose : tenir ensemble sécurité, libertés et mémoire partagée. C’est le défi des prochains mois, au-delà de cette nuit sous les torches.

Antoine.76

Journaliste passionné de 42 ans, je parcours le monde pour raconter les histoires qui l’animent. Curieux, rigoureux et toujours en quête de vérité, j’aime donner la parole à celles et ceux qu’on entend rarement. La transmission et l’information sont au cœur de mon engagement quotidien.

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